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La Vierge néerlandaise

Marente de Moor

Traduit du néerlandais par Arlette Ounanian

Éditeur : Les Argonautes Éditeur

Pendant l’été 1936, Janna, dix-huit ans, est envoyée en Allemagne. Un ami de son père, Egon von Bötticher, doit aider la jeune fille néerlandaise à se perfectionner au fleuret.

Grand maître d’escrime, von Bötticher réside à la campagne dans une belle propriété où il organise, malgré leur interdiction, des combats de Mensur avec armes réelles. Janna cherche à percer le mystère unissant cet homme blessé et aigri avec son père et tombe inévitablement sous le charme de son maître charismatique.

Liés depuis la Première Guerre mondiale par le code d’honneur, les deux hommes semblent avoir une dette à régler. Mais lorsque la barbarie envahi l’Europe et les notions de courage, d’amitié et d’héroïsme ne semble plus valoir grand-chose, Janna se demande qui va devoir la payer.

Bien plus qu’une histoire d’amour, délicieusement rendue, La Vierge néerlandaise explore l’initiation de Janna au monde adulte comme une expérience contradictoire et troublante. Avec une mélancolie saisissante, Marente de Moor évoque les tensions d’un monde en proie à un changement majeur. Et, ainsi que Janna le formule lorsqu’elle rentre aux Pays-Bas : « Plus rien ne sera comme avant, ce voyage fut un aller sans retour. »

Parution 6 janvier 2023
Pages 320
ISBN 9782494289024

Le roman néerlandais La Vierge néeerlandaise de Marente de Moor

Entre-deux-guerres

passé

sensuel

Mood du livre
amour, nazisme, secret

22.90 Boutique des Argonautes

Le mot de l’éditrice

« La Vierge néerlandaise est un roman profondément européen qui me semblait comme un choix évident pour Les Argonautes. Marente de Moor nous plonge dans l’entre-deux-guerres dans cette région frontalière à l’Ouest de l’Allemagne au moment déjà inéluctable de l’arrivée au pouvoir des nazis. Mais c’est Janna, jeune fille pleine de courage et d’ambition, découvrant les abîmes du monde adulte, qui rend cette histoire d’amour, d’honneur et de trahison du dernier des hussards inoubliable à mes yeux. »
Katharina Loix van Hooff

Auteur/Autrice

L'autrice néerlandaise Marente de Moor, photo copyright Eddo Hartmann

Marente de Moor

Née en 1972, Marente de Moor est la fille de l’écrivaine néerlandaise Margriet de Moor. Pour son deuxième roman, La Vierge néerlandaise, elle a reçu le prestigieux Prix AKO ainsi que le prix de l’Union Européenne de littérature (2014). Publiés par les plus prestigieux éditeurs dans le monde entier, les romans de Marente de Moor n’ont jamais été traduits en français.

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Traducteur/Traductrice

Arlette Ounanian

Arlette Ounanian est notamment lauréate du Prix des Phares du Nord 2019/2020 pour sa traduction de Mon histoire, Ton histoire de Connie Palmen (Actes Sud).

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Ils en parlent

  • « On a du mal à s’expliquer pourquoi Marente de Moor est passée si longtemps sous les radars des éditeurs français. Une subtile composition alliée à un style sec, tendu comme le bras de l’attaquant, fait de cet excellent roman un texte qui porte et qui touche. Sans doute l’un des meilleurs de cette rentrée littéraire. »   

    Le Monde des Livres, Florence Noiville

  • « Marente de Moor livre ici un solide roman historique. »

    Marc Verlynde, La Viduite

  • « Un roman intelligent donnant à voir la Seconde guerre mondiale sous un autre angle et dépeignant le portrait d’une femme ambitieuse livrée à un homme insaisissable. Un récit d’une maîtrise absolue! »

    Baz’art, Le Webzine 100% culture

  • « Ce récit à tiroirs est super­be­ment construit, conçu pour ins­til­ler une atmo­sphère trouble mêlant mou­ve­ments, sen­ti­ments, his­toire et huma­nité. »

    Serge Perraud, Lelitteraire.com

  • « La Vierge néerlandaise est un roman baroque d’une grande intensité émotionnelle, un roman exubérant et foisonnant imbriquant et superposant de multiples genres littéraires ou figures de style pour illustrer, au travers des sentiments et attitudes contradictoires des personnages, les tensions d’un monde prêt à basculer dans la barbarie. »

  • « Ce livre est de grâce et de gravité. L’immensité d’une littérature sans rivalité, tant son pouvoir est grandiose…. »

    Evlyne Leraut, L’élégancedeslivres

  • « La Vierge néerlandaise tisse une intrigue au magnétisme redoutable qui nous happe dès les premières pages pour ne plus nous lâcher, même une fois le livre refermé. (… ) Possédant une aura captivante et oppressante, La Vierge néerlandaise est un condensé d’orage, une ode aux embrasements. »

    Caroline, Un dernier livre avant la fin du monde

  • « S’il est vrai que l’escrime est l’art de se toucher sans se blesser, l’ouvrage de cette ancienne journaliste néerlandaise touche et désarçonne en même temps le lecteur. (…) Marente de Moor nous emporte jusqu’aux lignes, ennemies, de frontière et de conduite. »

    Jacques Hermans, La Libre Belgique

  • « Un livre magnétique, troublant, sensible, qui joue sur la complexité de l’époque, du temps qui passe, des non-dits et des secrets. Très belle première publication pour ce nouvel éditeur. »

    Michel Dufranne, Femmes d’Aujourd’hui

  • « Avec sa plume magnifiquement ciselée, l’autrice construit une atmosphère inquiétante et met en scène des personnages en proie à des dilemmes moraux et des passions déchaînées. »  

    NRC Handelsblad

  • « Une écrivaine néerlandaise originale, dotée d’une formidable imagination et qui sans nul doute continuera à écrire de nombreux autres romans, tout aussi éblouissants que celui-ci. » 

    Trouw, Pays-Bas

  • « Un roman à la belle atmosphère, le premier traduit en français de Marente de Moor. »

    Didier Jacob, L’Obs

  • « Alors que l’Allemagne est gagnée par le Nazisme, la jeune Janna prend des cours d’escrime avec un maître d’armes aussi énigmatique que séduisant. Un livre d’une grande originalité qui nous plonge dans le monde de l’escrime et dans le tourbillon des premiers amours. »

    Les grandes largeurs, Arles

  • « Une atmosphère gothique et troublante où le jeu d’escrime révèle les tensions et désirs contradictoires des personnages. Une réussite ! »

    Librairie Prado Paradis, Marseille

  • « Un formidable roman d’apprentissage, les premières amours d’une jeune fille sur fond de montée en force du nazisme. »

    Eloïse, Librairie l’Embellie, La Bernerie en Retz

  • « Entre la montée inéluctable du nazisme et la naissance d’une passion les mots de Marente de Moor font mouche et dressent un portrait tout en finesse de Janna. »

    Librairie Adrienne, Lyon

  • « Passion et combats dans l’Allemagne de l’entre-guerres – Le portrait d’une jeune femme passionnée d’escrime (et de son maitre), entre grand roman d’amour et fresque historique, sur fond de secret familial, écrit à la manière d’un grand roman classique, éblouissant ! »

    Juliette, Librairie Montbardon, Bourg en Bresse

  • « Un roman ample, baroque, d’une profondeur incroyable. Une lecture enrichissante et fluide qui nous replonge dans les tensions politiques de l’entre deux guerre. Indispensable, sans aucune hésitation ! »

    Salomé, Librairie du tramway, Lyon

  • « L’initiation aux affres du corps sensuel, de la noblesse de l’escrime, de l’histoire en cours. Allemagne 1936. Alors que remontent gastriquement les relents d’une guerre perdue et qu’enfle l’émergence du nazisme, hors du monde se joue l’apprentissage. Au ton délicieusement décalé, une histoire faite de pieds en L, d’amour caché et d’indolence bourgeoise. »

    Fabien, Decitre, Grenoble

  • « Épatée ! Épatant ! »

    Caroline, Les Traversées, Paris

  • « La métamorphose d’une jeune escrimeuse dans l’Allemagne troublée des années 1930 entre éveil des sens et blessures du passé. Le tout premier roman qui ouvre avec brio le catalogue de la belle maison d’éditions des Argonautes »

    Alice, La boîte de Pandore, Lons-le-Saunier

  • « Un récit d’une maîtrise inouïe même dans la lenteur. »

    Amandine, Librairie du Centre, Ferney-Voltaire

  • « Une première publication qui place la barre haut et invite à surveiller avec enthousiasme les prochaines parutions des Argonautes. »

    Brice, Librairie Agora, La Roche-sur-Yon

  • « Coup de coeur pour le livre La Vierge Néerlandaise mais surtout coup de coeur pour la maison d’édition Les Argonautes qui voit le jour avec ce roman néerlandais. …Si comme moi, vous ne connaissez rien aux règles de l’escrime, ce livre vous initiera à l’art du fleuret. »

    Manon, Furet du nord, Lille

  • « Ambitieux et magistral. La lecture la plus enthousiasmante de cette rentrée ! »

    Hugues, Filigranes, Bruxelles

  • « Passion et combats dans l’Allemagne de l’entre-guerres – Le portrait d’une jeune femme passionnée d’escrime (et de son maître), entre grand roman d’amour et fresque historique, sur fond de secret familial, écrit à la manière d’un grand roman classique, éblouissant! »

    Juliette, Librairie Montbarbon

  • « Un récit initiatique troublant. »

    Anne Pitteloud, Le Courrier

  • « Première publication enthousiasmante de la toute nouvelle maison d’édition saint-germanoise Les Argonautes ! Roman fiévreux, incandescent et maîtrisé, portrait croisé de Janna et de son maître d’armes, entre passé glorieux et futur incertain dans l’Allemagne des années 30. »

    Solveig, Librairie L’Allée des feuilles, Saint-Germain-en-Laye

  • Un roman intelligent donnant à voir la Seconde guerre mondiale sous un autre angle et dépeignant le portrait d’une femme ambitieuse livrée à un homme insaisissable. Un récit d’une maîtrise inouïe même dans la lenteur. Le premier roman édité par une nouvelle maison d’édition mettant en avant la littérature européenne, à découvrir !

    Amandine, Librairie du Centre, Ferney

  • « On a du mal à s’expliquer pourquoi Marente de Moor est passée si longtemps sous les radars des éditeurs français. Une subtile composition alliée à un style sec, tendu comme le bras de l’attaquant, fait de cet excellent roman un texte qui porte et qui touche. Sans doute l’un des meilleurs de cette rentrée littéraire. »

    Florence Noiville, Le Monde des Livres

  • « La Vierge néerlandaise est un roman brillant sur l’emprise de l’idéologie nazie et le déclin d’une société d’aristocrates brandissant leur honneur, un combat restitué par une très jeune fille. »

    Isabelle Rüf, Le Temps

  • « Une intrigue bouleversante, sur le fil du rasoir, entre Ernst Jünger et Léon Tolstoï. Ses métaphores sur la nature sont d’une puissance animale, ses réflexions aussi brillantes qu’originales, et sa description de l’atmosphère oppressante régnant avant la tempête de la Seconde Guerre mondiale témoigne d’un grand art narratif. »

    Frankfurter Allgemeine Zeitung

  • « L’intensité de l’univers émotionnel de Janna, l’atmosphère menaçante de l’Allemagne à la veille de la Seconde Guerre mondiale et la richesse imaginative de Marente de Moor font de La Vierge néerlandaise l’un des romans les plus exquis que j’aie lus depuis des années. »

    The New York Times Book Review

Extrait

On aurait pu dire que von Bötticher était une gueule cassée, mais au bout d’une semaine je ne remarquais plus ses cicatrices.

On s’habitue vite aux anomalies physiques. Une personne affreusement mutilée peut être heureuse en amour si elle rencontre quelqu’un qui n’est pas obnubilé par la symétrie. Pourtant, en dépit des exemples que nous offre la nature, la plupart des gens ont la manie de séparer les choses en deux moitiés parfaitement égales.

Egon von Bötticher était beau ; sa cicatrice était laide. Une plaie boursouflée, infligée par une arme émoussée dans une main instable.

Comme on ne m’avait pas prévenue, la première impression que je lui ai donnée a été celle d’une jeune fille choquée. J’avais dix-huit ans et j’étais habillée trop chaudement en descendant du train après mon premier voyage à l’étranger.

Maastricht-Aix-la-Chapelle, un trajet négligeable. Mon père m’avait accompagnée à la gare. Je le vois encore, debout devant la fenêtre du wagon, étonnamment petit et maigre tandis que des colonnes de vapeur s’élevaient derrière lui. Il avait fait un bond quand les deux coups de marteau du visiteur de gare avaient commandé le desserrement des freins. Les wagons rouges sortant des mines roulaient à côté de nous, suivis par des wagons à bestiaux d’où s’échappaient des beuglements et, dans ce boucan, mon père est devenu de plus en plus petit avant de disparaître au tournant.

Ne pose pas de questions. Pars, c’est tout. Pendant son monologue, un soir après le dîner, il avait à peine pris le temps de respirer. Il parlait d’un vieil
ami, autrefois un très bon ami, toujours un bon maître.

Ensuite, soyons honnêtes, nous savions que je devais saisir cette occasion si je voulais réussir dans le sport, je ne voulais quand même pas devenir servante, bon, alors, vois ça comme des vacances, quelques semaines d’escrime dans ce très bel endroit qu’est la Rhénanie.

Entre les deux gares, il y avait quarante kilomètres ; entre les deux amis, vingt ans. Sur le quai d’Aix-la-Chapelle, von Bötticher me tournait le dos. Il savait que je viendrais à lui. Il était ce genre d’homme. Et j’ai deviné en effet qu’il ne pouvait être que le géant basané coiffé d’un homburg crème. Pas de costume assorti au chapeau, mais un polo en laine peignée et un de ces pantalons marins avec une large bande à la taille. Très distingué. Et moi, la fille, je débarquais dans une robe chasuble rapiécée.

Quand il a tourné vers moi son visage déchiré, j’ai eu un mouvement de recul. La chair fibreuse avait pâli avec les années, mais était encore rose. J’imagine que ma réaction l’a agacé, je n’étais probablement pas la première à me comporter ainsi.

Ses yeux se sont portés sur ma poitrine. J’ai saisi mon médaillon pour cacher ce que ma robe permettait à peine de voir.

– C’est tout ?

Il parlait des bagages. Il avait tâté mon sac d’escrime pour sentir combien d’armes il contenait. Ma valise, c’était à moi de la porter.

L’image idyllique que je me faisais de mon maître avant de le rencontrer s’est très vite effondrée. Elle s’était formée à partir d’une photo plutôt floue de notre album de famille. Deux hommes, l’un l’air sévère, l’autre agité. Au-dessous, une date : janvier 1915.

– C’est moi, avait dit mon père en pointant le doigt vers l’homme sévère. Et l’autre, dont on ne distinguait que la vieille capote déboutonnée et le chapeau en fourrure, lui, c’est ton maître.

Mes copines trouvaient la photo « géante ». Le visage flou laissait le champ libre aux fantasmes. Il était bien bâti et chevaleresque, cela comptait, et il possédait un domaine où je pourrais musarder. Ça se terminerait inévitablement comme dans un film. Mais, devant moi, je n’avais qu’un homme usé et sans armes.

Au-dessus de mon lit, je n’avais pas punaisé Gary Cooper ou Clarke Gable, mais les frères Nadi. Une photo unique, je n’ai vu la même nulle part : Aldo et Nedo, héros olympiques, tous deux droitiers, se saluant avant un match. Voir des escrimeurs photographiés dans cette pose-là est extrêmement rare. Ils se font face, le corps bien droit, à quatre mètres exactement l’un de l’autre, et tous deux tiennent la lame à la verticale devant leur visage à découvert. Sur la photo, on pourrait penser qu’ils se jaugent au fil de l’acier de leur arme, mais pendant les épreuves, le rituel des salutations ne dure jamais bien longtemps. Moins longtemps qu’à l’époque où le duelliste voyait la vie pour la dernière fois dans les yeux de son adversaire.

C’est pendant la lecture de Guerre et Paix, où il me servait de marque-page, que le visage de maître Egon von Bötticher a pris forme. Quand j’ai ouvert le livre, il était insaisissable, comme l’homme qui avait bougé devant l’appareil photo. Mais, au gré de la lecture, il s’est concrétisé. Dans le brouillard d’une immortalisation floutée, il avait perdu sa morgue : en fait, il ne portait pas un chapeau en fourrure mais un bicorne, des épaulettes dorées, et contre son flanc gauche un sabre dans un fourreau rouge. J’en étais convaincue.

Dans le train, j’avais essayé d’avancer rapidement dans l’histoire, mais j’étais distraite par un voyageur qui me lorgnait. Chaque fois que je levais les yeux, lui les détournait. Je lisais quelques phrases, sentais à nouveau son regard enflammé sur le reflet de mon corps dans la vitre du compartiment et me mettais à lire de plus en plus vite. Je sautais des passages entiers pour arriver à la scène tant attendue : le baiser entre Bolkonski et Natacha. J’y suis parvenue juste à temps, avant l’entrée du tunnel.
Le passager s’est alors évaporé.

J’ai rangé la photo. Je n’avais pas besoin de visage, je reconnaîtrais mon Bolkonski entre tous. En cette journée de l’automne 1936, il était l’homme le plus imposant de la gare d’Aix-la-Chapelle. De plus près, c’était un mufle mutilé qui m’avait laissée placer moi-même ma valise dans sa voiture.

– Votre père vous a dit ce qui vous attendait ? a-t-il demandé.

– Oui, monsieur.

Non, en fait. Pas la moindre idée. Me perfectionner dans l’art de l’escrime était mon projet, mais mon père connaissait le maître depuis un passé qui n’allait plus demeurer obscur bien longtemps.

Allemand, noble, domaine de Raeren. Ma mère s’est mise à sangloter quand on l’a mise au courant. Nous n’en attendions pas moins. Le pasteur l’avait prévenue contre les nazis qui, disait-on, n’étaient pas tendres avec les catholiques. Mon père lui a reproché de se laisser impressionner trop facilement. Moi, pour être honnête, je ne m’en préoccupais pas. Les nazis, je m’en fichais.

Contrairement à von Bötticher, que je ne pourrais pas éviter. Il m’avait sortie de la ville sans freiner dans des virages en épingle sur de la terre battue ; quand il changeait de vitesse, sa main cognait ma jambe et j’avais dû m’asseoir en travers dans le cabriolet pour que son genou, à droite du volant, ne prenne pas appui contre le mien.

Il n’était pas vêtu comme les hommes de son âge. Il portait des sandales maintenues à la cheville par une cordelette. Mon père aurait dit : un frimeur.

– Nous y sommes.

C’était la troisième phrase qu’il m’adressait après un trajet d’une bonne heure. Il a freiné si brusquement devant le portail que j’ai presque été projetée en avant. Il a claqué la portière, s’est précipité vers la grille, l’a ouverte en grommelant, a regagné son siège, foncé dans l’allée puis est ressorti pour fermer le portail.

Les bruits qui accompagnaient toutes ces opérations m’ont persuadée que je ne ressortirais pas de sitôt.

La première chose que j’ai aperçue entre les châtaigniers en fin de floraison près de l’allée, c’est le vieux campanile qui servait de pigeonnier. J’ai mis une semaine avant de pouvoir m’endormir au milieu des roucoulades et des frottements de pattes sur le plancher. Ensuite, c’est une plus grande agitation qui me tiendrait éveillée.

Placez un miroir en face d’un miroir, ils se refléteront. De plus en plus petits, de plus en plus flous, mais aucun ne cédera la place à l’autre. Il en est ainsi de certains souvenirs. Ils n’échappent pas à la première impression qui contient un souvenir plus ancien.

Avant le nouvel an, j’avais vu au cinéma La Maison de la mort, avec Boris Karloff, célèbre pour son interprétation de Frankenstein. Je reconnaissais la Rhénanie du film. La ressemblance, à l’époque du moins, me semblait frappante. Je savais déjà que, dans mes souvenirs, la maison du film s’imposerait. Ses fenêtres resteraient ouvertes, les rideaux claqueraient au vent, les miroirs seraient toujours brisés et la vigne entourant la porte d’entrée, morte.

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